samedi 1 juin 2013

Parler de la situation des Turkmènes irakiens, Gilles Munier


Intervention de Gilles Munier (5ème Conférence des médias turkmènes irakiens – Istanbul - 18 et 19 mai 2013)

Je remercie les organisateurs de cette conférence de m’avoir invité et donné l’occasion de dire quelques mots.

Je suis Français et connaît assez bien l’Irak pour y avoir effectué environ 150 voyages depuis 1974. J’y ai accompagné des journalistes, des hommes politiques, des universitaires, des hommes d’affaire… J’ai surtout été témoin des malheurs qui se sont abattu sur ce pays : guerre Iran-Irak, 1ère guerre du Golfe, embargo, 2ème guerre du Golfe… Mon dernier voyage a eu lieu en mars 2003, au cours duquel je me suis rendu à Bagdad et à Mossoul avec une délégation française de spécialistes des armes de destruction massive qui ont dénoncé –preuves à l’appui – les mensonges de George W. Bush et de Tony Blair. J’ai quitté Bagdad la veille du bombardement. Depuis, comme journaliste indépendant, je suis quotidiennement l’actualité de l’occupation du pays – ou de sa double occupation, pour être plus précis – ainsi que les activités de la résistance -  civile ou armée – et, pour revenir au sujet qui nous concerne tous ici : la volonté des dirigeants de la Région autonome du Kurdistan de s’emparer de Kirkouk et de territoires avoisinant gorgés de pétrole, peuplés depuis des siècles par les Turkmènes.

Mon premier passage au Pays des Turkmènes – appelés généralement en France : Turcomans – date de 1976. Membre permanent d’une association franco-arabe qui entretenait alors de bonnes relations avec l’Irak, j’accompagnai un cadre d’une chambre de commerce de Bretagne – région située à l’ouest de la France - qui souhaitait rencontrer les dirigeants de la Région autonome du Kurdistan, nouvellement créée. En visitant Erbil, je n’ai pu que constater que la ville était peuplée, pour une large part, de Turkmènes. J’y suis retourné trois fois ensuite et me suis aperçu que la proportion de Kurdes allait grandissante, ce qui me semblait tout naturel puisque la ville était en quelque sorte la capitale du Kurdistan irakien. Je ne savais pas, à l’époque, que Saddam Hussein – alors vice-Président – avait, quelques années plus tôt, autorisé Mustapha Barzani à« kurdiser » Erbil et qu’en dépit de la reprise de la rébellion – soutenue par les Etats-Unis, l’Iran du Chah et Israël -, c’est ce qui était arrivé sous la direction des partis et tribus kurdes liés au pouvoir central.

Quiconque a traversé, comme moi, les ponts sur l’Altun Su ou l’Aq Su à Altun Kopru ou à Tuz Khurmatu – ou est allé  à Tel Afar - s’est aperçu que les noms de lieux et la langue des habitants de la région sont différents d’ailleurs en Irak, qu’une minorité méconnue – les Turkmènes - est majoritaire dans toute une partie du pays. Depuis la chute de Bagdad et le déclenchement de conflits ethniques et religieux, grâce à Internet – et malheureusement aux attentats et aux massacres dont sont victimes les Irakiens, les médias font parfois mention des Turkmènes – on en sait plus, dans le monde, sur les Turkmènes irakiens. En Belgique, l’Association des Amitiés Europe- Turkmènes et le Comité pour la Défense des droits des Turkmènes irakiens ont brisé le silence qui entoure trop souvent leur situation. Mais, en Europe, nombreux sont encore ceux qui les assimilent à des colons Turcs installés par l’Empire ottoman. Très peu de gens savent que leur présence est bien antérieure à la prise de Constantinople par les Ottomans.

Dans les années 1970, des intellectuels et des hommes politiques se réunissaient en Europe occidentale pour sensibiliser l’opinion publique au problème kurde. Je dis « problème kurde », mais en fait exclusivement kurde irakien. Aujourd’hui, les Turkmènes irakiens sont plus de 3 millions - c'est-à-dire à peu près le nombre des habitants du Kurdistan irakien dans les années 1970 – et rien ne les empêche d’en faire autant. Les outils de communication –Internet, Facebook, Twitter, You Tube… etc… - leur faciliteront la tâche et leur permettront d’atteindre sans grands frais beaucoup de monde. Ces outils doivent être utilisés au maximum, c'est-à-dire pas seulement en anglais, en arabe ou en turc. Il ne faut pas oublier le Français, l’Espagnole et le Portugais parlés en Afrique et en Amérique latine.

Pour nous, observateurs de ce qui se passe en Irak, il manque une agence de presse qui rendrait compte de l’actualité à Kirkouk et dans le Pays des Turkmènes. Par exemple, des élections provinciales viennent de se dérouler en Irak, on n’en connaît pas le détail. C’est dommage. Toutes les occasions devraient être bonnes pour parler des Turkmènes.

La Turquie pourrait contribuer – grâce à son expérience dans le domaine des médias – à la diffusion des informations qui nous permettraient, dans nos pays respectifs, de mieux informer l’opinion publique sur la question turkmène.

Je vous remercie.

Par Gilles Munier, sur le même sujet,
lire aussi :

Les Turcomans irakiens :
un peuple oublié ou marginalisé (AFI – Flash - 31 mai 2007)

La poudrière de Kirkouk (AFI - Flash - 27 janvier 2005)

La poudrière de Kirkouk menace d’exploser (Afrique Asie – juillet 2012)

Interview de Hassan Haydinli,  
Président du Comité de Défense des Droits
des Turkmènes Irakiens (20/1/05)

La campagne électorale des législatives en pays turkmène (2/2/10)

La grandeur des Turkmènes irakiens (Afrique Asie – octobre 2007)

Amirli, village turcoman martyr  (AFI – Flash - 4 août 2007)

Les Turkmènes accusent les Etats-Unis d’exacerber les tensions en Irak

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