HUMAN RIGHTS WATCH
http://hrw.org/french/docs/2007/07/03/iraq16331.htm
Irak: les forces de sécurité du Kurdistan torturent les détenus
Le gouvernement régional doit mettre fin aux abus à l’encontre des détenus et aux violations de procédure judiciaire
(New York, le 3 juillet 2007) – Les forces de sécurité du Kurdistan dans le nord de l’Irak torturent régulièrement les détenus et leur refusent le droit fondamental à un jugement en bonne et due forme, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport paru aujourd’hui.
Human Rights Watch exhorte le gouvernement régional kurde à mettre un terme à la torture et aux mauvais traitements infligés aux prisonniers détenus par les services de sécurité. Les autorités kurdes doivent traiter tous les détenus conformément aux normes internationales et leur garantir le droit à un procès équitable et en bonne et due forme.
Le rapport de 58 pages, intitulé « Caught in the Whirlwind: Torture and Denial of Due Process by the Kurdistan Security Forces » (« Piégés par la tornade: Tortures infligées par les forces de sécurité et absence de procès équitables au Kurdistan »), fait état des mauvais traitements et des vices de procédures judicaires systématiques et largement répandus, infligées aux prisonniers dans les centres de détention par les forces de sécurité du Kurdistan. Le rapport se base sur des recherches menées d’avril à octobre 2006 dans la région du Kurdistan irakien. Il se fonde également sur plus de 150 interviews de détenus.
Human Rights Watch a fait part de ses inquiétudes auprès des membres du gouvernement kurde, notamment auprès du président du Gouvernement régional kurde Mas’ud Barzani, qui a mis en place un comité gouvernemental chargé de mener, début octobre 2006, des visites d’inspection dans plusieurs centres pénitentiaires.
« Les forces de sécurité du Kurdistan infligent régulièrement des tortures et d’autres mauvais traitements aux détenus », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Bien que les autorités kurdes aient pris d’importantes mesures pour améliorer les conditions de détention dans ces centres, elles doivent faire plus pour en finir avec la torture. Le gouvernement se doit de punir les responsables de prisons et les interrogateurs qui se sont rendus coupables d’abus. »
Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) sont les deux principaux partis de la région du Kurdistan ; chacune d’entre eux dispose de ses propres forces de sécurité connues sous le nom d’Asayish. L’Asayish du PDK et celui de l’UPK fonctionnent tous deux en dehors du contrôle du Ministère de l’Intérieur du gouvernement régional. Les Asayish possèdent leurs propres centres de détention et y ont détenu des centaines de prisonniers, surtout ceux suspectés d’avoir mené des activités liées au terrorisme.
Lors d’interviews menées dans des centres pénitentiaires d’Asayish, des prisonniers ont raconté à Human Rights Watch que les agents d’Asayish les avaient battus avec des barres de métal et d’autres instruments, les avaient mis en positions de stress pendant de longues périodes, et les avaient gardés menottés et les yeux bandés plusieurs jours d’affilée. La plupart des détenus avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu racontent également avoir été maintenus en isolement pendant de longues périodes. A quelques exceptions près, Human Rights Watch a constaté que les centres de détention d’Asayish étaient extrêmement surpeuplés et insalubres.
Human Rights Watch constata aussi que les Asayish maintenaient des centaines de détenus en attente de jugement, leur refusant tout droit à un procès en bonne et due forme, y compris leur droit de contester la détention. Dans la majorité des affaires impliquant des prisonniers d’Asayish et sur lesquelles Human Rights Watch a enquêté, les autorités kurdes n’avaient inculpé les détenus sous aucun chef, ne leur avaient pas permis de contacter des proches ou un avocat, et ne les avaient pas présentés à un juge d’instruction. Les détenus n’avaient pas non plus pu bénéficier des procédures d’appel ou n’avaient pas eu un procès dans un délai raisonnable.
Human Rights Watch a par ailleurs enquêté sur plusieurs affaires dans lesquelles les autorités kurdes ont apparemment tenu en otage les proches d’individus recherchés pour des activités liées au terrorisme. Dans d’autres affaires, des prisonniers condamnés ayant déjà purgé leur peine restaient en prison. Certains prisonniers qui avaient été jugés et acquittés étaient eux aussi maintenus en détention. La plupart d’entre eux n’avaient pas connaissance de leur statut juridique, ni même de la durée de leur détention, ou encore du sort qui serait le leur.
« Les autorités kurdes doivent inculper les détenus coupables de crimes ou alors les relâcher », a ajouté Whitson. « Les détenus doivent se voir donner la possibilité de contester la base légale de leur détention et bénéficier d’un procès rapide et équitable, sur base des charges retenues contre eux. »
En juillet 2006, l’Assemblée nationale du Kurdistan a adopté une Loi sur la lutte contre le terrorisme dans la région du Kurdistan irakien (Loi anti-terrorisme). Celle-ci criminalise un large éventail de délits considérés comme étant des actes terroristes. Elle ne clarifie cependant pas le statut juridique des personnes suspectées de terrorisme et arrêtées avant l’entrée en vigueur de la loi. Parmi ces personnes, il y a plusieurs suspects arrêtés lors d’opérations conjointes entre les forces militaires irakiennes et américaines, et placées ensuite sous le mandat des autorités kurdes.
« Les autorités kurdes doivent établir des critères clairs pour évaluer le statut juridique des personnes suspectées de terrorisme et arrêtées avant l’adoption de la Loi anti-terrorisme », a déclaré Whitson. «Et elles doivent nommer un comité juridique indépendant chargé de mener la révision complète de toutes les affaires de détenus. »
Durant les mois de recherches menées pour ce rapport, Human Rights Watch a pu discuter de manière régulière avec les autorités kurdes, et salue la coopération reçue de la part des responsables du PDK et de l’UPK. Le PDK et l’UPK ont tous deux donné à Human Rights Watch un accès à tous les centres de détention de leur Asayish, ont permis des interviews avec des officiels d’Asayish, des directeurs de prison, des conseillers juridiques et d’autres acteurs pertinents. Human Rights Watch salue aussi le sérieux avec lequel les autorités kurdes ont répondu aux inquiétudes décrites dans ce rapport. Au cours de l’année dernière, les responsables d’Asayish ont entamé des révisions partiales des affaires de détenus et relâchés plusieurs groupes de prisonniers, dont la plupart avaient été détenus sans procès en bonne et due forme.
Bien que Human Rights Watch salue et apprécie la coopération des autorités kurdes, celle-ci doit encore se traduire par des améliorations visibles pour la plupart des prisonniers dans les centres de détention d’Asayish. Cette coopération manque encore d’une révision juridique indépendante et impartiale du statut juridique des détenus, que Human Rights Watch avait recommandée de toute urgence.
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